Le personnage de Nicolas Fargues a la trentaine. De prime abord, je me suis dit «Pffff (oui, j'ai beaucoup de vocabulaire) Encore un roman sur un trentenaire qui se plaint de sa vie de cadre sup' à Paris...» (lire notre article sur La complainte des trentenaires). Mais page après page, c'est un livre original et poignant que je découvre. Un soir, en Italie, au restaurant, il reçoit une carte de visite sur laquelle est écrite «Ero dietro di te», ce qui veut dire «J'étais derrière toi». Son récit nous explique, sur le mode de la conversation, comment cet homme se retrouve à cette place dans ce restaurant, et ce qui va se passer après. La phrase «J'étais derrière toi» a un double sens: Elle était derrière lui dans cette pizzeria, mais elle était aussi derrière lui, dans la vie, s'il avait levé les yeux...
Cet homme est marié et a deux enfants. Il vit à Tanambo, en Afrique, où il est «expat», comme de plus en plus d'Européens. Sa femme, Alexandrine, est belle, trop belle, intelligente, trop intelligente. Elle le fascine. Elle le domine. Elle le maltraite psychologiquement, voulant avoir le contrôle sur tous les domaines de sa vie. Un jour, n'en pouvant plus, il envisage pendant 10 minutes de la quitter pour partir avec une chanteuse. Grave erreur qu'elle lui fera payer tout au long du roman, «comme une petite fille fâchée d'avoir cassé son jouet». Sujet très délicat que la maltraitance psychologique entre époux, puisque c'est de ça qu'il s'agit, et à fortiori quand c'est l'homme qui est maltraité. Pour se venger, Alexandrine devient de plus en plus insupportable: Elle le bat, lui lacère le visage à coups de fils électriques pour ensuite le soigner. Le mécanisme s'est mis en place depuis trop longtemps pour qu'il n'ose protester.
Il se sent impuissant, rabaissé, émasculé. Et elle en profite. Lors d'un voyage à Kodong, en Asie du Sud Est, Alexandrine rencontre un Mobalien avec qui elle le trompe, et dont elle tombe amoureuse. Leur couple se déséquilibre. Lui, rongé par le remords, acceptant tout pour se faire pardonner, et elle, amoureuse du Mobalien, et torturant toujours son mari. Ce qui est effrayant, c'est qu'on peut reconnaitre en Alexandrine une part de nous, les femmes jalouses. Elle est notre côté sombre, ce que nous serions si nous ne nous contrôlions pas. Elle le brime constamment, par exemple lorsqu'il dîne avec un ami, elle lui téléphone des heures durant pour le faie culpabiliser, jusqu'à ce qu'il écourte son repas et rentre lui demander ce qu'elle a. Lorsqu'ils sortent tous les deux, elle «fait la gueule, comme ça, pour rien. En fait, je crois qu'elle se fait la gueule à elle-même.»
Fuyant cette ambiance délétère, il part en vacancesà Romanze, chez son père, pour deux jours. Et arrive ce qui arrive au restaurant. Le petit mot. L'auteure du petit mot. Une aventure avec celle qui aurait pu être, qui pourrait être, la femme de sa vie. Et les remords, à nouveau, dès qu'il rentre à Tanambo. La question qu'on se pose tout le long du roman: Mais QUAND va-t-il quitter cette garce? On se demande qu'il trouvera le courage d'agir en homme et de prendre les devants, de provoquer la rupture. Ce roman est d'autant plus marquant que l'auteur s'adresse à nous pendent 235 pages, et qu'on a donc l'impression de lire le très long mail d'un ami qui aurait des problèmes de couple et qui se confierait à nous. Un roman sur la jalousie et la manipulation sans manichéisme, c'est suffisamment rare pour être souligné. A lire absolument.
Marlène Schiappa
Cet homme est marié et a deux enfants. Il vit à Tanambo, en Afrique, où il est «expat», comme de plus en plus d'Européens. Sa femme, Alexandrine, est belle, trop belle, intelligente, trop intelligente. Elle le fascine. Elle le domine. Elle le maltraite psychologiquement, voulant avoir le contrôle sur tous les domaines de sa vie. Un jour, n'en pouvant plus, il envisage pendant 10 minutes de la quitter pour partir avec une chanteuse. Grave erreur qu'elle lui fera payer tout au long du roman, «comme une petite fille fâchée d'avoir cassé son jouet». Sujet très délicat que la maltraitance psychologique entre époux, puisque c'est de ça qu'il s'agit, et à fortiori quand c'est l'homme qui est maltraité. Pour se venger, Alexandrine devient de plus en plus insupportable: Elle le bat, lui lacère le visage à coups de fils électriques pour ensuite le soigner. Le mécanisme s'est mis en place depuis trop longtemps pour qu'il n'ose protester.
Il se sent impuissant, rabaissé, émasculé. Et elle en profite. Lors d'un voyage à Kodong, en Asie du Sud Est, Alexandrine rencontre un Mobalien avec qui elle le trompe, et dont elle tombe amoureuse. Leur couple se déséquilibre. Lui, rongé par le remords, acceptant tout pour se faire pardonner, et elle, amoureuse du Mobalien, et torturant toujours son mari. Ce qui est effrayant, c'est qu'on peut reconnaitre en Alexandrine une part de nous, les femmes jalouses. Elle est notre côté sombre, ce que nous serions si nous ne nous contrôlions pas. Elle le brime constamment, par exemple lorsqu'il dîne avec un ami, elle lui téléphone des heures durant pour le faie culpabiliser, jusqu'à ce qu'il écourte son repas et rentre lui demander ce qu'elle a. Lorsqu'ils sortent tous les deux, elle «fait la gueule, comme ça, pour rien. En fait, je crois qu'elle se fait la gueule à elle-même.»
Fuyant cette ambiance délétère, il part en vacancesà Romanze, chez son père, pour deux jours. Et arrive ce qui arrive au restaurant. Le petit mot. L'auteure du petit mot. Une aventure avec celle qui aurait pu être, qui pourrait être, la femme de sa vie. Et les remords, à nouveau, dès qu'il rentre à Tanambo. La question qu'on se pose tout le long du roman: Mais QUAND va-t-il quitter cette garce? On se demande qu'il trouvera le courage d'agir en homme et de prendre les devants, de provoquer la rupture. Ce roman est d'autant plus marquant que l'auteur s'adresse à nous pendent 235 pages, et qu'on a donc l'impression de lire le très long mail d'un ami qui aurait des problèmes de couple et qui se confierait à nous. Un roman sur la jalousie et la manipulation sans manichéisme, c'est suffisamment rare pour être souligné. A lire absolument.
Marlène Schiappa
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire